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PressFrance

Critique de presse :

THE TIGER LILLIES FREAKSHOW
Le cabaret de l'étrange

 The Tiger Lillies créent un monde sombre, mystérieux, teinté d’humour noir et de poésie. Et au final, d'une grande beauté réalisé par Sebastiano Toma.
Après une première apparition au Luxembourg en 2005, avec la comédie musicale The Little Match Girl, le groupe, qui sévit depuis plus de vingt ans, vient présenter son barnum de monstres de foire, toujours motivé à disséquer les troubles de la condition humaine.
 

De notre journaliste Grégory Cimatti

Approchez, approchez, et entrez sans crainte dans le fantasque univers des Tigers Lillies, où le surréalisme rivalise avec l'humour, où les volutes du cabaret rencontrent le lyrisme de l'opéra. Depuis 1989, ce trio de clowns gothiques et transgressifs s'amuse en effet à prendre des chemins de traverse, décidé à ne pas rester enfermé dans une boîte, ni même dans un studio d'enregistrement, et ce, malgré plus de vingt albums au compteur. Et c'est au travers de collaborations inédites– Nan Goldin ou Kronos Quartet, pour ne citer qu'eux– que la troupe impose sa singularité scénique, comme ici, avec ce Freakshow.
Déjà à l'époque, le Piccadilly Theatre de Londres avait succombé aux charmes de leur désormais célèbre Shockheaded Peter, acclamé par quelque 95000 personnes, avant une tournée mondiale qui allait conforter leur statut de trublions irrévérencieux. Une fois encore, The Tigers Lillies n'y vont pas avec le dos de la cuillère avec ce spectacle qui convoque des monstres de foire, à l'instar des cabinets de curiosités des foires d'antan. «Mais il n'est pas question de nostalgie, prévient Martyn Jacques, fondateur du groupe et accordéon en bandoulière. Certes, on s'empare d'éléments du passé, mais ce n'est pas de la reproduction! On les met simplement à notre sauce.»

Femme-serpent et anges trapézistes
Et quelle est donc cette recette? Un judicieux mélange de provocation, d'élégance et de surréalisme. Chapeaux improbables, maquillages outranciers et accessoires qui frôlent le mauvais goût, le trio sait marier l'impertinence, l'humour noir et la poésie. Un style tout en décalage, dans un esprit typiquement «british». Normal que certains puissent y voir la touche des Monty Python, alors que d'autres citent volontiers Charles Dickens– dans une version plus trash– ou encore Kurt Weil et Tom Waits pour ce qui est de la musique. Bref, des références très hétéroclites.
C'est juste qu'il est difficile de coller une étiquette aux Tiger Lillies, dont la créativité, tout comme l'audace, sont sans frontières. Dégainant la scie musicale ou d'étranges percussions, le groupe passe sans frémir du punk à la musique «gipsy», en passant par le music-hall. Et son approche scénique est tout autant bigarrée. «C'est un mix éclectique, lâche Martyn Jacques. On n'a pas de limite, jouant avec des univers proches de la comédie, comme d'autres, très sombres et malsains. On essaye juste de les unifier autour d'un élément stylistique.»
Avec Freakshow, la troupe a ainsi combiné chansons aux textes «provocants et dérangeants», numéros de cirque, le tout mâtiné de notes burlesques et lyriques. Ainsi, dans une ambiance de foire, on découvre de nombreuses «curiosités»: la femme aux trois cœurs, le géant aux six bras, la femme-serpent, mais aussi des nains et des anges trapézistes... Et chacun de ses «freaks» montre un petit morceau de sa vie, qui est loin d'être rose. «Ces gens, de par l'apparence qu'ils renvoient, ont toujours été stigmatisés et exploités, poursuit-il. On peut parler ici de véritable cauchemar.»

Un miroir de la réalité
Il est vrai que Martyn Jacques a longtemps vécu au-dessus d'un bar malfamé de Soho. Dans les morceaux, «toujours originaux», dont il est l'auteur, on retrouve donc un monde de maquereaux, de prostituées et de toxicomanes. «Dans l'un des titres, une femme à barbe se fait violer par une bande de marins alcoolisés un samedi soir.» Oui, il y a plus gai comme thème, comme par exemple, l'addiction au crack et d'autres réjouissances tout aussi plombantes. Mais The Tiger Lilies enrobent ça d'envolées acrobatiques et de travestissements. Un cabaret brechtien de la condition humaine qui séduit par l'originalité de son interprétation.
Enfin, cet authentique spectacle de variété à la mode du temps passé, qui joue avec les extrêmes et «propose différentes grilles de lecture», renvoie aussi– et surtout– tel un miroir, notre propre image et les perceptions que l'on peut avoir de la norme et de la normalité. « Freakshow est une sorte de métaphore qui parle de l'étrangeté se trouvant dans chaque personne, lâche-t-il. Dans un sens, tout le monde a en lui sa part de bizarrerie et d'excentricité, qu'il cache sous des apparences saines. Mais au final, qu'est-ce qui est normal?»
Ce monde, fait de figures tout en anomalie et en «baroquerie», n'est donc pas si éloigné de la réalité quotidienne. Entre cruauté, mélancolie et drôlerie, The Tiger Lillies, tels des équilibristes, tissent un show sensible et intelligent, que son leader qualifie de «mainstream avant-gardiste». Une audace de plus.
CAPe - Ettelbruck.
Le  2012-01-05




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